AU NEUF DE L’IMPASSE

 

I

Les temps étaient durs

Mais qu’ils étaient doux

Ces moments qui durent

Trop peu de l’enfance ;

Souvenirs qui passent

D’une vie sans le sou,

Au cœur d’une impasse

Du quartier Plaisance…

 

Hiver cinquante quatre,

Paris qui grelotte,

Je me revois battre

Le pavé devant

Le neuf de l’impasse

D’où de drôles de notes,

Guitare, contrebasse,

S’envolaient au vent…

Refrain

Un p’tit coin d’paradis

Donnant rue d’Alésia           

Fit d’un coin d’parapluie

Un puits d’imaginaire ;

D’histoires sucrées, salées

Mon cœur s’y rassasia

Pour qu’un jour, gringalet,

Naisse un loup débonnaire.

 

 

II

 

La famille autour

Du poêle à charbon,

Moi et mes doigts gourds

Sous des gants de laine,

Je sautais sur place

Mais je tenais bon,

Planqué dans l’impasse,

Les oreilles pleines…

 

Ivres de poèmes,

Les vents, tout de go,

Jusqu’au blizzard même,

Bruissaient d’papillons,

Au neuf de l’impasse,

Quand j’croisais Margot,

Un p’tit diable en chasse,

Trousseur d’cotillons…

 

Refrain

 

Dans une voie sans issue,

Donnant rue d’Alésia,

Je bus à son insu

Les chansons sans faux col

D’un poète à moustaches,

Mon cœur s’en rassasia,

Pour qu’un jour je m’attache

A une maîtresse d’école.

 

III

 

Mon carreau gratté,

J’y collais l’oreille,

Pour ne rien rater

Des premières notes

Qui rompaient la glace

De mon froid sommeil,

Réchauffaient l’impasse

Et mes p’tites menottes…

 

Derrière un p’tit cheval,

Une cane enrhumée,

Gorille en cavale

Ou gentille putain,

Au neuf de l’impasse,

Il n’a rien su, mais

Y avait un p’tit pass-

Ager clandestin…

 

Refrain

 

C’est bien dans ce cul d’sac,

Donnant rue d’Alésia,

Que je remplis mon sac

De poétiques graines

Et d’une odeur de pipe,

Mon cœur s’en rassasia,

Pour qu’un jour de mes tripes,

Eclosent mes rengaines.