La maîtresse d'école
La maîtresse d'école
Un faiseur de chansons en herbe attentif
Un faiseur de chansons en herbe attentif


                                          I

(lent)

J’ai la tête dans les nuages,

Lorsque la cloche du préau

Retentit sans crier gare

Et  m’arrache aux images,

Des vacances, la colo         

Est à ranger au placard.

Je remets ma blouse grise,

Grise comme les murs de l’école,

M’apprête à livrer bataille,

La rentrée me fout des crises

De cafard, j’ai l’envie folle

De repasser le portail...      


 

                (lent)                          

Ma main déjà qui balance

Quelques boules malodorantes

Retombe soudain désarmée,

Voici qu’elle entre et s’avance

Sans aucune peur apparente,

Sans chercher à nous charmer ;

Elle fait tomber son cartable

Sur un coin du grand bureau

Qui fait voler sa poussière,

Fait d’un œil le tour des tables,

Lisse sa jupe à carreaux,

S ‘assoit dans la souricière...

 

 

(Rapide)

Je pense à l’année dernière,

A mes efforts courageux

Pour lasser l’instituteur

Et me voici en dernière

Ligne du cours moyen deux,

A côté du radiateur ;

En gravant mes initiales

Sur le bois de mon pupitre,

D’un œil, je guette la porte ;

J’ai sorti fluide glacial

Et mes grimaces de pitre

Pour quelques émotions fortes….

 

I

(rapide) 

Les filles dans les magazines

Que je feuillette aux toilettes

Peuvent aller se rhabiller,

Je crois même que ma cousine

Et son parfum de violette,

Je l’ai déjà oubliée ;

Mon vieux maître vert de gris

Qui ressemblait à grand père

En photo sur le buffet,

Ne m’avait jamais appris

Que sa règle aux coups sévères

Serait baguette de fée…

 

III

(lent)

Après un dur marchandage,

J’ai pris place prés de l’estrade,

Ca m’a coûté dix réglisses,

L’espoir qu’elle ait le message

De mon cœur battant chamade

Valait bien le sacrifice ;

En dictée, je fais des fautes

Simplement pour qu’elle s’approche,

Se penche sur moi et m’explique ;

Mes mains prennent la tremblote,

Les mots dans ma bouche accrochent,

C’est l’enfer, c’est magnifique...

 

IV

(lent)

J’étais fier de ma paresse,

Je reçois au garde à vous

La médaille d’or du travail,

Compliments de ma maîtresse,

Coquelicot sur mes joues,

Sifflets moqueurs en mitraille ;

Mes compagnons de chahut

Qui m’avaient pris pour leur dieu

Et mis sur un piédestal,

Ont dévissé ma statue,

Moi je m’en fous, je n’ai d’yeux

Que pour mad’moiselle Chantal ;

 

V

(lent)                                                  

Je referme ce carnet

Qui a fait faire jouvence

A mon cœur, à ma mémoire,

Elle est vieille de trente années

Cette histoire sans importance,

C’est déjà presque un grimoire ;

A genoux dans la remise,

Je replonge dans la sacoche

Et j’en sors, toute chiffonnée,

Une vieille blouse grise,

Et tout froissé dans la poche

Un vieux portrait griffonné.

 

 

 

 

(rapide)

Mes yeux font l’aller retour

Entre le rouge de ses lèvres

Et son corsage entrouvert ;

A cerner tous ces contours,

Je sens monter une fièvre

Comme pour ma grippe d’hiver ;

Je la guette, elle se rassoit,

Mon œil cherche l’ouverture

Sous sa jupe relevée ;

Le tissu que j’aperçois

Fait frissonner ma nature,

Voyons ! Robert, vous rêvez..

 

 

 (rapide)

Les mois se sont fait la paire,

Juillet pointe le bout du nez,

Bon dieu ! déjà les vacances ;

S’il faut que le charme opère,

C’est maintenant ou jamais,

Je me sens plein d’éloquence ;

La cloche me prend par surprise,

ça s’envole comme frelons,

Moi j’remballe mon secret,

Elle me fait péter deux bises

Et saute au cou d’un grand blond,

Je crois bien, je vais pleurer...

 

 

 (rapide)

La passion d’un malappris

Pour sa maîtresse d’école

N’a usé que les crayons,

Mais l’grand amour ne s’écrit

Pas sur faire part en bristol,

Il ne se vit qu’au brouillon ;

Je suis là depuis un bail,

A nager dans la poussière

Et l’enfance retrouvée,

Quand la porte s’entrebâille,

On fait soudain la lumière,
Voyons ! Robert, tu rêvais...